2 bourses ERC Advanced pour le CNRS sur le territoire aquitain

Le Conseil européen de la recherche (ERC) vient d’annoncer les résultats de l'appel « ERC Advanced grant 2022 » qui vise des chercheurs confirmés. Avec 12 bourses, le CNRS est l’institution hôte la plus dotée et deux lauréats hébergés par le CNRS sont aquitains.

Cette année, le Conseil européen de la recherche (ERC) financera 218 chercheurs et chercheuses grâce aux bourses « Advanced », pour un montant total de 544 millions d'euros, dans le cadre du programme Horizon Europe. Ces bourses permettent à des scientifiques, reconnus dans leur domaine aux niveaux national et international, de mener des projets novateurs à haut risque qui ouvrent de nouvelles voies dans leur discipline ou dans d’autres domaines. Visant des chercheurs confirmés avec des résultats significatifs en matière de recherche au cours des dix dernières années, ces bourses se situent à un niveau d’expérience plus élevé que les bourses « Starting » (jusqu’à 1,5 million d’euros et visant des porteurs et porteuses de projets européens ayant obtenu leur doctorat 2 à 7 ans auparavant) et « Consolidator » (jusqu’à 2 millions d’euros et 7 à 12 ans après le doctorat). D’une durée de 5 ans, ces projets bénéficient chacun d’un budget maximum de 2,5 millions d’euros.


Parmi les candidatures, 23 % ont été déposées par des chercheuses, la proportion la plus élevée depuis le début du programme Advanced. Au total, environ 13,2 % des 1647 projets candidats ont été financés, en lien avec des universités, des centres de recherche et des entreprises de 20 pays européens, la France comptant 32 lauréats.


Avec 12 projets lauréats dont l’organisme est l’institution hôte, le CNRS est l’institution qui cumule le plus de bourses à l’échelle européenne, et deux lauréats hébergés par le CNRS sont aquitains. Le CNRS arrive devant le Weizmann Institute of Science (7 projets), les universités d’Oxford et de Cambridge (4) ou encore l’Institut Max Planck (4). Les deux projets aquitains concernent les sciences de la vie et la chimie.

Philippe Lalanne, lauréat CNRS de la délégation Aquitaine
Laboratoire Photonique, Numérique et Nanosciences (LP2N – CNRS/IOGS/Université de Bordeaux)

Titre du projet : UNSEEN - Conception de perceptions visuelles reposant sur des nanostructures à fort indice : ou comment créer de nouvelles apparences avec la physique des métasurfaces désordonnées


Philippe Lalanne est physicien, directeur de recherche au CNRS. Opticien d'adoption, il est spécialiste de l’électrodynamique des nanostructures. Ses premiers travaux avec Pierre Chavel à l'Institut d'optique d‘Orsay ont porté sur des machines optoélectroniques dédiées à la mise en oeuvre de réseaux de neurones opérant par recuit simulé à cadence vidéo. Après une année sabbatique à l’Institute of Optics (Rochester), il a entrepris des travaux dans le domaine de l’optique diffractive. Au Laboratoire Charles Fabry (LCF, CNRS/IOGS) à Palaiseau, il a ensuite conçu les premières metasurfaces de grandes efficacités, donné les règles de conception des microcavités à cristaux photoniques à grands facteurs de qualité et expliqué le rôle des plasmons dans la transmission optique extraordinaire. Au Laboratoire photonique, numérique et nanosciences (LP2N, CNRS/IOGS/Université de Bordeaux) situé à l’Institut d’optique d’Aquitaine (Talence), il étudie aujourd’hui le couplage dissipatif non-Hermitien de la lumière avec les nanorésonateurs et les propriétés des métasurfaces optiques désordonnées. De 2018 à 2022, il a dirigé le GDR Ondes. Il est éditeur associé pour la revue Optica et est fellow de l’IOP, SPIE et OSA.


Conception de perceptions visuelles reposant sur des nanostructures à fort indice : ou comment créer de nouvelles apparences avec la physique des métasurfaces désordonnées (UNSEEN).


La nature offre de belles apparences produites par l'interaction de la lumière avec des nanostructures. Il suffit de penser à l’iridescence des fines couches de mélanosomes des ailes de papillon ou du plumage des oiseaux. En laboratoire, les scientifiques peuvent imaginer et élaborer des systèmes introuvables dans la nature. Ainsi, qu'elles soient désordonnées ou minutieusement organisées, les métasurfaces composées d’ensembles de nanorésonateurs offrent de nombreux degrés de liberté. Ceux-ci sont étudiés à trois échelles différentes. À l'échelle nanométrique, une multitude de formes et matériaux d’indice élevé peut être utilisée pour contrôler les résonances des méta-atomes. À l'échelle de la longueur d'onde, les nanorésonances peuvent être enrichies par hybridation de modes. À l’échelle méso, une combinaison d'interactions électromagnétiques à courte et longue portée produit des interférences compliquées. Cette physique riche est absente des morphologies naturelles à faible indice. Dès lors, on est en droit de se demander si elle peut offrir des apparences visuelles inédites. C’est l’ambition du projet UNSEEN qui pourrait avoir des retombées dans de nombreux domaines comme par exemple les revêtements pour les beaux-arts et arts appliqués.

Philippe Poulin, lauréat CNRS de la délégation Aquitaine
Centre de recherche Paul Pascal (CRPP - CNRS/université de Bordeaux)

Titre du projet : PERLA – Percolation and conductivity in fluids containing rod-like particles

Bien souvent, les fils électriques en cuivre sont une entrave au développement de certains dispositifs souples comme par exemple les sondes médicales ou les robots conçus pour se faufiler dans d’étroits boyaux et cavités du corps humain. Trop rigides, ils sont une limite à la liberté de mouvement. Si au lieu de câbles, on pouvait utiliser des fluides pour transporter le courant, on y gagnerait en flexibilité. C’est là le but du projet Perla, lauréat d’une bourse de l’ERC, proposé par Philippe Poulin, directeur de recherche au Centre de recherche Paul Pascal.


Lorsqu’il était étudiant, Philippe Poulin ne pensait pas devenir chercheur. Il s’imaginait plutôt professeur de lycée. Toutefois, en 1992, avant de se lancer dans l’enseignement, il décide de faire un stage dans un laboratoire de recherche. Un stage qui change le cours de sa carrière. « La science enseignée à l’université est assez figée, encadrée, comme si tout était bien établi. Lors de ce stage de recherche j’ai découvert à quel point la science est ouverte. Il y a tellement de choses qu’on ne comprend pas, même dans les objets très quotidiens », explique Philippe Poulin. Pour lui, la science en marche est bien plus passionnante que celle des livres de cours.


En 1995 il obtient son doctorat à l’Université de Bordeaux et part à Philadelphie pour un post-doctorat. Là, il fait partie d’une équipe qui, pour la première fois, réussit à produire des émulsions de cristaux liquides. De retour en France en 1998, il entre au Centre de Recherches Paul Pascal. Ses 25 ans de carrière son émaillés de résultats remarquables et de distinctions telles que la médaille de bronze du CNRS en 2002, et la médaille d’argent en 2020.
Parmi ses découvertes les plus marquantes, la mémoire de température des polymères. « Si vous donnez une forme à un polymère à une certaine température et qu’ensuite vous le chauffez, vous retrouvez sa la forme initiale à cette même température », rappelle Philippe Poulin. Cette propriété surprenante pourrait trouver des applications dans le biomédical et la robotique. Elle permettrait en effet de créer des dispositifs souples qui se déploient et se déforment lorsqu’ils sont soumis à une température bien définie.


Autre volet des recherches de Philippe Poulin : l’utilisation de nanotubes de carbone et de fibres de carbone. Lorsque ces particules légères et conductrices sont mélangées à d’autres matériaux, elles leur offrent de nouvelles propriétés mécaniques, thermiques ou électriques. De
là vient le projet Perla que le Conseil européen de la recherche vient de récompenser. Son but : explorer les propriétés de fluides dans lequel surnagent des particules cylindriques de carbone. En théorie, le mouvement de rotation de ces particules lorsque le fluide s’écoule devrait produire un réseau capable de transporter les électrons. Mieux encore, on pourrait faire varier la conductivité du fluide en fonction de sa vitesse d’écoulement. Ces sont là des propriétés inédites que Philippe Poulin se propose de sonder. Ces fluides conducteurs pourraient trouver des applications dans l’électronique flexible et la robotique, mais aussi dans le stockage de l’énergie.


Le projet est risqué, admet Philippe Poulin, mais le champ de recherches qu’il laisse entrevoir est vaste et prometteur. « La bourse ERC nous permet de financer un projet très fondamental. Je suis heureux de la confiance des évaluateurs et conscient de la responsabilité confiée. »

Pour en savoir plus

Retrouvez les BDs et vidéos de certains des projets scientifiques labellisé par l’Europe sur :

https://www.aquitaine.cnrs.fr/fr/cnrsinfo/le-cnrs-aquitaine-et-le-joli-mois-de-leurope

Retrouvez la liste des 12 lauréats Advanced Grant hébergés par le CNRS sur : cnrs.fr