© Ninon Garneret

Yacine AmaroucheneLaboratoire CPMOH

Médaille de bronze du CNRS

La physique des bacs à sable

« Renverser des seaux de sable sur une table, regarder des gouttes tomber, créer des tourbillons dans des solutions... » Quand Yacine Amarouchene, 33 ans, décrit les expériences qu’il mène au sein du Centre de physique moléculaire optique et hertzienne (CMPOH) de Bordeaux, on a vraiment l’impression qu’il s’amuse ! C’est sans doute un peu vrai, vu le plaisir qu’il prend à vous décrypter avec force métaphores ses travaux touchant de près ou de loin à la physique statistique hors d’équilibre.

La physique ? Il est tombé dedans par hasard. Sur les bancs de son lycée d’Alger, il rêvait de voyage au long cours. Une fois son bac en poche, il a donc traversé la Méditerranée dans le but d’intégrer une école de marine marchande. Pour y avoir accès, il fallait justifier d’un tronc commun scientifique, il s’est donc inscrit en Deug de physique à Paris7. Puis la physique fondamentale de la matière « mal condensée » l’a attrapé dans ses fi lets. Et il est resté à quai. Sans regrets...

«La physique est une discipline tellement vivante ! » Ce qui le fascine ? « Travailler sur des systèmes où il y a beaucoup de désordre, où il y a un maximum d’interactions entre la matière et le mouvement. » Les solutions de polymères par exemple. Dès son DEAau laboratoire de physique statistique de l’ENS et tout au long de sa thèse menée déjà au CPMOH de Bordeaux, il s’intéresse à leur écoulement. « C’est fascinant, le simple fait d’ajouter une quantité infime de polymères dans un liquide modifie de manière drastique son comportement ! » Il montre par exemple que la présence de ces molécules interfère sur les « transferts d’énergie à travers les échelles », réduisant par exemple l’énergie dissipée dans un écoulement turbulent. À l’aide d’une caméra ultra-rapide, Yacine décrypte également le phénomène de rupture d’une goutte, comme lorsqu’elle tombe de l’extrémité d’un robinet. « Dans ce cas les polymères en solution freinent le mouvement, augmentant jusqu’à 10 000 fois la viscosité de la goutte. Vue au ralenti, on a vraiment l’impression qu’en quelques millisecondes l’eau se transforme en miel ! »

Son autre terrain d’expérience favori ? Le sable ! Un matériau « si commun mais dont la modélisation du comportement collectif résiste encore aux théoriciens ». Actuellement, l’une des voies empruntées est d’essayer d’étudier dans quelle mesure il existe des analogies entre le comportement des granulaires et celui des fluides. Depuis son entrée au CNRS en 2003, il en a déjà repéré plusieurs. En 2006, il met en évidence la formation d’ondes de choc au passage d’un écoulement de sable sur un obstacle et mesure la vitesse du son dans ce matériau : moins d’1 m par seconde ! Plus récemment, il révèle la présence d’ondes dispersives qui se propagent tout le long des jets de sable en train de couler : la signature caractéristique d’une tension de surface. Cette force de cohésion entre les grains pourrait être due à l’apparition au cours de l’écoulement d’une différence de pression entre le centre et l’extérieur du jet.

Ses envies d’évasion ? Aujourd’hui, il les comble avec son autre passion : les instruments à cordes. Il aime les pratiquer. Et les bricole même, afi n d’en sortir des sons nouveaux.