Henri DudayLaboratoire PACEA

Médaille d’argent du CNRS

Entre archéologie et médecine, le jeune Henri Duday n’hésite pas : il fera les deux.Sa vocation est précise e tprécoce : premières découvertes à 10 ans dans la région de Carcassonne, rencontre décisive à 14 ans avec Jean Guilaine, qui lui confie à 17 ans, la responsabilité entière d’un chantier. « Il nous communiquait sa passion, nous apprenait l’objet scientifique mais aussi la pratique du métier, en particulier les contraintes de sa logistique. »Le fait d’être tombé d’emblée sur une sépulture du Néolithique ancien cible plus encore cette vocation : il étudiera les corps des défunts et, pour cela, il faut connaître l’anatomie. Après une année de math sup à Louis-le-Grand, il retourne à Montpellier et entreprend le double cursus qu’il s’est assigné, en le pimentant de deux maîtrises d’anatomie et de statistiques et d’une spécialisation en pathologie de l’appareil locomoteur.À 25 ans, il entre au CNRS, poursuit ses fouilles dans le Midi en les finançant par des vacations à l’hôpital. En 1983, il intègre le Laboratoire d’anthropologie de Bordeaux qui vient de se créer. Remarquable pédagogue, il contribue alors radicalement au renouvellement de la discipline en formant plusieurs générations d’étudiants à raison de deux cents heures de cours par an.« L’émergence du laboratoire a été une expérience extraordinaire : nous étions trois au départ et vingt-trois,vingt ans après. » De plus, les années 80 voient l’explosion de l’archéologie préventive :les chantiers se multiplient et le principe du financement des fouilles par les aménageurs fait que les étudiants trouvent des débouchés plus facilement. L’école Duday s’impose en France et déborde bien au delà, de l’Amérique du Sud au Pacifique en passant par l’Afrique et l’Asie du Sud-Est. Il multiplie les interventions en France et à l’étranger, tout en dirigeant son labo, de 1995 à 2002, et en jouant un rôle très actif dans sa communauté scientifique. Il intensifie notamment le partenariat avec le ministère de la Culture et siège encore actuellement au Conseil national de la recherche archéologique. Mais l’école Duday, c’est surtout le terrain avec ses « chantiers-laboratoires » : les sépultures collectives du dolmen des Peirières à Villedubert dans l’Aude (classé site d’intérêt national en 1995) et de l’Aven de la Boucle à Corconne dans le Gard. « C’est la dimension culturelle qui me passionne. » En étudiant le squelette, il fait revivre l’individu. Quand il découvre à Bonifacio le squelette vieux de 9 000 ans d’une femme atteinte d’une paralysie post-traumatique de la main associée à de multiples lésions invalidantes,il peut affirmer qu’elle a été prise en charge par le groupe. Ailleurs, la découverte d’un ganglion calcifié indiquera la présence de la tuberculose pulmonaire dans une communauté de la fin du Néolithique.En véritable chirurgien, il n’hésite pas à pénétrer dans le secret des ossements et à briser des tabous d’une société qui occulte la mort. « La fouille et la dissection sont des gestes assez proches. Dans les sépultures, je suis équipé de scalpels et d’outils de dentiste. » Il entre dans le champ de la médecine légale et participe régulièrement à des expertises dans le cadre d’enquêtes policières. À l’actif de ses équipes :l’identification en 1991 du corps d’Alain Fournier, mort en 1914 près de Verdun. À quand un polar à la Patricia Cornwell ou à la Fred Vargas ? Non, il nous livrera plutôt un ouvrage sur les « Leçons d’archéothanatologie » et cosignera avec Michel Gras, directeur de l’École française de Rome, un livre sur les fouilles de Mégara Hyblaea en Sicile.La gravité du sujet qui remplit sa vie ne génère pas la mélancolie chez ce méridional expansif dont on envie les étudiants. Parlez-lui de prendre des vacances et il vous répond « Ne dites pas de grossièretés ! » dans un grand éclat de rire.