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Daniel ChoquetLaboratoire PCS

Médaille d’argent du CNRS

Un bâtisseur de ponts au pays des synapses.

 

Bâtir des ponts, c’est le fil conducteur de la voie qu’a suivie Daniel Choquet, médaillé d’argent à 47 ans. Bien qu’il soit diplômé de l’École centrale de Paris et qu’il ait songé un instant à suivre cette carrière, cette vocation est à prendre au sens figuré, reconnaît-il. En fait, il est « physiologiste-neurobiologiste-immunologiste ». Du moins œuvre-t-il, dans son laboratoire de physiologie de la synapse, à Bordeaux, à l’interface de ces différentes disciplines. D’où les ponts qu’il prend plaisir à établir entre les disciplines.

Il découvre que la diffusion raide des récepteurs du glutamate dans les synapses contrôle la transmission synaptique rapide.

Mais reprenons au début. Baigné dans un univers scientifique, c’est tout naturellement que Daniel envisage de faire de la recherche. Mais après ses années de prépa, il suit une formation d’ingénieur à Centrale. Bien que bricoleur et manuel, il ne se passionne pas pour l’aspect trop « applicatif » de l’ingénierie. Un stage à l’Institut Pasteur éveille son intérêt pour la neurobiologie. Il décide alors de faire un DEA et une thèse à l’interface entre neurobiologie et pharmacologie dans le laboratoire d’Henri Korn.

Très vite, il s’intéresse aux propriétés des canaux ioniques des lymphocytes B. « C’était le tout début des techniques d’enregistrements par patch-clamp. » L’immersion dans ce nouveau domaine fut un peu rude, mais comme il aime à le rappeler, il est prêt à relever les défis ! Une médaille de bronze va d’ailleurs récompenser en 1990 ses résultats sur la caractérisation des canaux potassiques des lymphocytes B.

Suite à sa thèse, il intègre le CNRS en 1988 et passe encore quelques années dans le même laboratoire de Pasteur, continuant à travailler sur les lymphocytes. Puis il part en postdoc en Californie, à l’université d’Irvine, afin de se former à des méthodes d’imagerie calcique. À son retour, il publie une série de papiers sur le rôle de la signalisation calcique dans la physiologie des lymphocytes B.

Mais après une dizaine d’années à l’Institut Pasteur, Daniel a des envies de changement. Il cherche un nouveau laboratoire et le trouve en Caroline du Nord. « L’arrivée en avion était fantastique », se souvient cet amoureux de la nature. On l’autorise à travailler sur un projet de suivi de la migration des lymphocytes B. Sujet qui capote lamentablement, reconnaît notre médaillé.

Qu’à cela ne tienne, il s’attelle alors au sujet de son voisin de paillasse, l’interaction entre des protéines, les intégrines, et le cytosquelette de la cellule. « À l’époque, je ne connaissais pas grand-chose en biologie cellulaire ». Mais, toujours par défi, il se lance. Daniel met alors au point une technique originale, à base de pinces optiques, permettant de suivre la migration de l’intégrine et surtout de mesurer la force avec laquelle elle peut être attachée au cytosquelette. Il découvre ainsi que les cellules en migration peuvent sentir les contraintes mécaniques extracellulaires et adapter leur comportement en conséquence. Cette collaboration traduit l’une des qualités dont Daniel s’enorgueillit : celle de pouvoir faire travailler les gens ensemble.

Son prochain chantier : la création d'un institut interdisciplinaire de neurosciences.

Après deux ans aux États-Unis, se pose la question du retour en France. Il pense alors à l’Institut Curie. L’Institut a pour lui son prestige, mais présente l’inconvénient de sa situation géographique : pour le passionné de sport qu’est Daniel, Paris n’est pas le lieu idéal ! Finalement il opte pour Bordeaux, d’autant plus que sa femme est originaire de la région. Les opportunités y semblaient vastes. « Tout était à faire, notamment dans le domaine de l’imagerie. Mais lorsque j’ai demandé un financement au Conseil régional d’Aquitaine pour le matériel, ils ont accepté ! »

À Bordeaux, Daniel monte alors une équipe et se penche sur le cas des récepteurs au glutamate, dans les synapses. « C’était le tout début de la caractérisation de ces récepteurs. Encore une fois, j’abordais un domaine où je ne connaissais pas grand-chose. » Mais c’est justement son regard neuf sur une discipline qui lui permet d’obtenir des résultats. Ses travaux mettent en évidence l’équilibre dynamique des récepteurs de neurotransmetteurs et surtout leur grande mobilité. Il découvre que la diffusion rapide des récepteurs du glutamate dans les synapses contrôle la transmission synaptique rapide. À son actif également, la création d’une plateforme d’imagerie cellulaire, « PICIN », labellisée Ibisa (Infrastructures en biologie, santé et agronomie).

Lorsque le stress est trop grand, Daniel se plonge dans le sport, l’aquariophilie ou le jardinage. Le prochain chantier de notre médaillé ? La création d’un institut interdisciplinaire de neurosciences pour étudier l’organisation dynamique des synapses et plus généralement le fonctionnement du système nerveux. Mêlant approches de physiologie, de physique et de chimie, cet institut accueillera des neurophysiologistes, des bio-imageurs, des chimistes, des biochimistes, des informaticiens et des physiciens. Un grand défi que Daniel saura, sans nul doute, relever !