Au cœur du paysage viticole cognaçais : une démarche scientifique collaborative qui porte ses fruits
Frédéric Angelier, chercheur en écologie au Centre d’Etudes Biologiques de Chizé1 travaille depuis 2020 en partenariat avec le Bureau National Interprofessionnel du Cognac (BNIC). Ensemble, ils étudient avec précision les interactions complexes entre la viticulture et la biodiversité. Ce projet ambitionne de décrypter les facteurs qui influencent la richesse du vivant au sein de ce vignoble spécifique.
- 1CNRS / La Rochelle Université
Dans le vignoble cognaçais, Frédéric Angelier, chercheur en écologie, étudie les interactions complexes entre la viticulture et la biodiversité, en collaboration avec le Bureau National Interprofessionnel du Cognac. Le terrain d'étude privilégié par les scientifiques est un site atelier placé sous l'égide du BNIC, au sein même du vignoble cognaçais. Sur cette zone, les scientifiques ont mis au point un dispositif d'observation précis, comprenant un réseau de 120 points d'inventaire. Deux inventaires ornithologiques sont réalisés annuellement sur chacun de ces points. L'objectif est d'identifier les espèces d'oiseaux présentes par observation visuelle et auditive. Ces données biologiques sont ensuite mises en relation avec une analyse fine du paysage environnant chaque point d'inventaire. Cette caractérisation prend en compte les types de cultures, la présence d'éléments naturels tels que les bois et les haies, ainsi que les infrastructures anthropiques comme les fermes et les villages. Le rôle du BNIC s'avère fondamental dans cette étude, facilitant non seulement l'accès aux parcelles viticoles mais aussi l'accueil favorable des chercheurs par les viticulteurs.
La « mosaïque paysagère » : un atout pour la biodiversité
Les premières analyses des données recueillies confirment certaines attentes des scientifiques et révèlent des tendances intéressantes. Conformément aux hypothèses initiales, la présence d'infrastructures paysagères telles que les bois, les rivières et, de manière notable, les haies, exerce un effet bénéfique significatif sur la diversité des oiseaux. De manière plus surprenante, l'étude met en lumière une influence positive de la présence humaine (fermes, hameaux, petits villages) sur le nombre d'espèces observées. Cette observation pourrait s'expliquer par la création de niches additionnelles et la disponibilité de ressources alimentaires diversifiées. Un enseignement majeur de ce projet est la spécificité de la biodiversité viticole, qui se distingue de celle rencontrée dans d'autres contextes agricoles, notamment les exploitations céréalières. Cette distinction souligne la nécessité d'adopter des approches de conservation adaptées aux particularités des vignobles. L'effet des haies, par exemple, se révèle particulièrement marqué pour les espèces d'oiseaux qui nichent dans les arbustes, mais moins pour celles qui nichent au sol ou dans les bâtiments. Enfin, un paysage qui présente une certaine hétérogénéité, une « mosaïque paysagère », semble favoriser une plus grande diversité d'oiseaux.

Une perspective à long terme et des retombées potentielles
En s’inscrivant dans une temporalité longue, le projet permettra d'évaluer l'efficacité des initiatives mises en place par le BNIC et les maisons de Cognac en faveur de la biodiversité, telles que la plantation de haies ou le développement de pratiques agricoles à Haute Valeur Environnementale (HVE). Le BNIC joue un rôle primordial dans la diffusion des résultats auprès des acteurs de la filière viticole. Les connaissances issues de ces recherches sont partagées lors d'assemblées générales, touchant ainsi les viticulteurs et les maisons de négoce, et offrant un retour concret aux professionnels du secteur.
Un ancrage local inspirant pour d’autres collaborations
Cette collaboration entre la recherche académique et le monde socio-professionnel illustre parfaitement la manière dont les expertises peuvent se conjuguer pour apporter des réponses aux défis environnementaux contemporains.
En étudiant la biodiversité au sein d'un territoire viticole spécifique et en travaillant de concert avec les acteurs locaux, Frédéric Angelier et son équipe ouvrent des perspectives concrètes pour concilier activité économique et préservation de l'environnement. Les enseignements tirés du vignoble de Cognac pourraient inspirer des initiatives similaires dans d'autres régions viticoles et agricoles, contribuant ainsi à une meilleure prise en compte de la biodiversité à une échelle plus vaste.