Alzheimer : les exosomes, un nouvel espoir ?
D’après l’OMS, en France, on estime à 900 000 le nombre de personnes atteintes par la maladie d’Alzheimer. Environ 225 000 nouveaux cas sont détectés chaque année. Aujourd’hui, des scientifiques tentent de comprendre les processus moléculaires à l’œuvre dans la maladie afin de pouvoir la dépister de manière plus fiable et plus précoce. Cette compréhension pourrait permettre, à terme, de diminuer ses effets et symptômes, voire de la soigner. Alexandre Favereaux, enseignant chercheur à l’Institut interdisciplinaire de neurosciences1 à Bordeaux coordonne le projet Astrocom2 . A travers ses recherches, il s’intéresse à l’impact d’un nouveau mode communication entre les cellules de notre cerveau appelé exosomes. Quels effets pourraient avoir les exosomes sur la transmission synaptique et la plasticité neuronale ? La mémoire est-elle influencée par ces exosomes et, si oui, comment ?
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A quoi correspond le son que l'on vient d'entendre et, pourquoi l'avoir choisi pour illustrer votre recherche ?
A.F : Il s'agit d'un automate de pipetage qui est dédié aux techniques dites de séquençage de nouvelle génération tel que par exemple le RNA-Seq. Cette technique nous permet de mesurer à haut débit l'expression des gènes dans les neurones et les astrocytes, mais également le contenu des exosomes, ces petites vésicules échangées entre ses cellules.
J'ai choisi ce son parce qu'il renvoie à une approche expérimentale et originale de notre laboratoire qui permet de relier les mécanismes les plus moléculaires des neurones à leurs caractéristiques morphologiques et fonctionnelles.
Comme vous le savez certainement, notre cerveau est composé de plusieurs types de cellules dont les plus connues sont certainement les neurones. Il existe aussi d'autres cellules que l'on appelle les astrocytes et qui ont une structure et des fonctions très différentes mais complémentaires des neurones. Or, ces neurones et ces astrocytes, de même que toutes les cellules qui composent notre corps, ont tous en commun le même ADN. Ce qui permet de leur donner une structure et donc une fonction particulière, c'est la façon dont leur ADN, ce qu'on appelle le génome, s'exprime. Une technique de séquençage nouvelle génération nous permet de mesurer la façon dont le génome de chacune de ces cellules s'exprime et donc d'identifier les gènes qui favorisent l'émergence des fonctions spécifiques aux neurones et aux astrocytes.
Pour résumer, ce type d'analyse devrait nous permettre de comprendre les gènes essentiels aux grandes fonctions du cerveau telles que l'apprentissage ou de la mémoire. Cette approche est au cœur du projet Astrocom, mais elle est également de plus en plus utilisée dans la communauté des neurosciences. C’est ce qui m'a d’ailleurs incité à créer en collaboration avec l'Institut François Magendie1 , une plateforme dédiée à cette technologie de séquençage de nouvelle génération.
En quoi consiste le projet Astrocom ?
A.F : Astrocom, est un projet collaboratif que l'on mène conjointement avec Aude Panatier qui est directrice de recherche au Neurocentre Magendie2 .
Notre objectif est de tester l'hypothèse d'un nouveau mode de communication entre les neurones et les astrocytes qui serait basé sur l'échange de petites vésicules appelées exosomes. En effet, il est admis depuis un certain temps que l'essentiel de la communication entre deux neurones se fait par l'établissement de synapse où sont libérés des neurotransmetteurs tels que le glutamate. Plus récemment, il a été montré qu'un autre type cellulaire, les astrocytes, avaient un rôle essentiel dans la régulation de la transmission synaptique, c'est-à-dire dans le message transmis entre ces deux neurones. On parle donc maintenant de synapse tripartite composé de trois éléments, les deux éléments neuronaux, pré et postsynaptique, mais aussi d’un élément astrocytaire. Le rôle de ces astrocytes dans la transmission synaptique est lié au recyclage des neurotransmetteurs, et à la libération de molécules de signalisation spécifique de ces cellules que l'on nomme les gliotransmetteurs.
En permanence, dans notre cerveau, la transmission synaptique est régulée. Certaines synapses vont être renforcées alors que d'autres vont voir leur niveau diminuer. C'est ce qu’on appelle la plasticité synaptique. Notre hypothèse de travail dans le projet Astrocom est de tester le rôle des exosomes dans la transmission synaptique et sa plasticité. En effet, nous savons que les neurones mais également les astrocytes libèrent des exosomes. Mais la recapture de ces exosomes et leur rôle dans la transmission synaptique est encore inconnu. De plus, les nombreuses molécules que contiennent des exosomes permettraient de réguler le fonctionnement des cellules qui les reçoivent. Parmi les molécules qui sont contenues dans ces exosomes, nous sommes particulièrement intéressés par les micro ARN qui ont la propriété de réguler simultanément l'expression de très nombreux gènes.
Les exosomes et les micro ARN qu'ils contiennent pourraient donc avoir un rôle majeur dans la transmission synaptique. Au-delà du contexte physiologique, les exosomes pourraient également être impliqués dans les neuropathologies qui y sont associées.
Vous parlez d'un impact sur les neuropathologies. Par exemple, travaillez-vous avec des personnes atteintes de la maladie d'Alzheimer ?
A.F : Il nous faut d'abord comprendre pleinement comment fonctionne ce nouveau mode de communication dans un contexte physiologique avant de pouvoir envisager une étude clinique. Cependant, en plus de notre recherche fondamentale, nous utilisons également des modèles biologiques de ces neuropathologies telle que la maladie d'Alzheimer afin d'évaluer le potentiel thérapeutique de ces exosomes pour une éventuelle recherche clinique.
L'attente du public est forte sur les sujets qui touchent aux maladies tels qu'Alzheimer. Et en tant qu'enseignant chercheur, comment l'appréhendez-vous ?
A.F : Je crois que toute personne impliquée dans ce type de projet est consciente de cette attente qui est forte, qui me semble également légitime. Mais, le temps de la recherche est malheureusement un temps long pour les personnes qui souffrent de ces pathologies et leur entourage. C'est pour pourquoi, même lorsque nous faisons de la recherche fondamentale, nous essayons d'identifier les découvertes qui pourraient avoir un impact sur la recherche clinique à plus ou moins long terme.